La croyance n’est pas saisissable comme concept de la psychanalyse, pas plus que ne l’était l’identité, ou les fake news, thèmes de nos dernières livraisons.
Le statut de cette notion est des plus complexes.
En ce qui concerne Freud, du passage de la théorie du trauma à celle du fantasme, de la pensée magique à la rigueur épistémologique de la construction de la pulsion, le statut de ce qu’il nomme Glauben, le croire, est au cœur de la relation qu’entretient l’humain au monde qui l’entoure, c’est-à-dire du malaise dans la culture. En témoigne le souci permanent de préserver la psychanalyse de toute vision du monde, soit d’un présupposé qui en déborderait le champ !
En ce qui concerne Lacan, la croyance et son vacillement, le doute, ne cessent de mettre au cœur de notre pratique la difficile question du partage du semblant et du vrai : le parlêtre se trouve-t-il condamné à vivre entre un monde borné et l’errance ? La cure est-elle déconstruction de toute croyance ? Comme concession à la question de l’espoir, Lacan donnera dans le texte intitulé Télévision une réponse incertaine : « Croire mais savoir qu’on croit », ce qui semble dessiner un bord de nos visées, à en entendre le prolongement dans une de ses propositions ultimes : « Le réel est mon symptôme » ! Pas de théorie qui puisse se purifier de toute croyance !
Formulons ici une des hypothèses de ce travail : tout progrès de la cure, comme dans les théories qui balisent nos pratiques, consiste en un déplacement de la question de la croyance.
Il n’en demeure pas moins que ce qui nous revient sur nos divans ou du monde qui nous entoure, que ce soit la constitution d’un référent commun qui pourrait alléger le malaise dans la civilisation sans verser dans l’hystérie collective dont le nom actuel — déjà aperçu par Freud — serait le populisme, ou le constat de la déconstruction des figures d’autorité qui pouvaient faire semblant de garantie, nous pousse à poser la question d’un malaise dans le croire, tant sur plan subjectif que dans la constitution des foules, et des institutions.
L’homme d’aujourd’hui peut-il prétendre, contre l’avertissement de Gustave Flaubert, se penser « homme sans présupposé » ?
La science et la démocratie, conditions de possibilité de la psychanalyse, ne se laissent-elles pas altérer par les dérives et l’effervescence libérale contemporaines au point de secréter des croyances nouvelles unifiant dans la solitude. De cette question du croire, et de son vacillement, le champ de la psychanalyse n’est pas exclu.
Dans la revue