Le cancer de l’adulte – et non pas tant les cancers, dans leur réalité médico-clinique, que la représentation commune de cette maladie – est ici questionné. Disons plutôt que ceux qui le côtoient au quotidien, dans des services hospitaliers, des laboratoires de recherche, sous leurs microscopes, mais parfois aussi du dedans même de leur chair, viennent ici partager leurs interrogations quant à ce « fléau absolu ». Qui n’en finit pas de solliciter toute notre science, nos techniques, des budgets considérables, des priorités politiques, des engagements conséquents, de tous, mais qui toujours semble résister, opiniâtrement, à tous nos efforts de mise en sens et de compréhension.
Qu’est-ce donc que le cancer ? Mais surtout comment le penser, car nous avons choisi ici de privilégier son approche psychodynamique. C’est-à-dire de faire le tour, par autant de voies que possible et qui s’imposèrent à nous, des répercussions de la maladie dans la vie personnelle, familiale, sociale du patient, en portant tout particulièrement attention à sa dynamique intrapsychique et à la constellation de toutes les représentations qui gravitent autour d’elle. Car le cancer nous pousse à unir et à coordonner nos énergies, à conjuguer les forces de la pensée avec celles de l’action. Il nous oblige à élargir le champ de notre réflexion, à croiser les regards des acteurs du monde médical avec ceux du monde universitaire et de la recherche, de la psychologie, de la philosophie, de l’anthropologie, de l’économie, de la religion. Le cancer nous rappelle à notre humanité, aux grandes interrogations concernant la maladie : comment est-elle vécue ? Comment les soins sont-ils prodigués ? Comment la vie est-elle perturbée ? Et dans les cas où elle survient, comment la mort est-elle accompagnée, en particulier à partir des soins palliatifs qui s’organisent et se développent à travers notre pays ?
En toile de fond, se dessine un enjeu de première importance, auquel nous devons nous attacher infatigablement : comment permettre aux patients d’aujourd’hui et à ceux qui le seront demain, de traverser cette maladie, sans inégalités – de statut social ou régional pour évoquer les plus criantes –, sans séismes psychiques, sans exclusion sociale et sans stigmatisation délétère ? La dynamique évoquée en titre de cet ouvrage s’y engage.
Patrick Ben Soussan est pédopsychiatre, praticien hospitalier. Il dirige l’unité de psycho-oncologie de l’Institut Paoli-Calmettes, Centre régional de lutte contre le cancer, Provence-Alpes-Côte d’Azur, à Marseille.
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