La culture occidentale contemporaine imprégnée par l’idéal de la maîtrise et le diktat de la performance perçoit le corps vulnérable comme une tare à bannir, à cacher ou à travestir. L’objectif consiste à ce que l’humanité puisse se libérer de sa vulnérabilité physique, préserver son corps de l’exposition à la souffrance, au vieillissement, à la maladie et, enfin, à la mort grâce à la maîtrise scientifique du vivant. Le transhumanisme du XXIe siècle s’est fait le champion de cette lutte contre la vulnérabilité du corps en prophétisant l’euthanasie de la mort.
En réaction à cette culture ambiante, le champ de l’éthique dite « de la vulnérabilité » s’est largement développé. Toutefois, il est encore souvent abordé à partir de l’autonomie du sujet en refusant de réfléchir à la dépendance ontologique de l’être humain. La question essentielle de ce livre n’est pas, même si elle est importante, de savoir comment le sujet autonome doit se comporter à l’égard d’une personne en situation de vulnérabilité (comment établir une société capable de l’intégrer). Elle consiste plutôt à se demander si l’être humain en tant que tel – qu’il soit bien-portant ou non – n’est pas fondamentalement vulnérable, et si cette vulnérabilité n’est pas, en dernier ressort, une « grâce ».
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