Les bienfaits du jeu
Le jeu, activité constitutive de l’être humain et composante universelle de nos sociétés, a donné lieu à de nombreuses recherches dans les années 1960 et 1970. Anthropologues, psychologues et sociologues se sont penchés avec passion sur son cas. Considéré jusque-là comme une simple distraction, au mieux comme un outil éducatif, le jeu y a gagné ses lettres de noblesse. Depuis, chacun le reconnaît comme une activité aussi indispensable à l’enfant pour se construire, s’ouvrir au monde et se socialiser, qu’à l’adulte, pour partager avec ses semblables et se « divertir » – au sens où l’entendait Pascal – c’est-à-dire oublier une réalité pénible. Un besoin qui transcende les âges donc, et les civilisations. Parmi tous ces chercheurs, le psychanalyste Donald Winnicott continue de faire référence. Son observation attentive des bébés et des jeunes enfants lui a permis de définir le jeu comme un espace transitionnel, susceptible – entre autres – de faciliter la séparation de l’enfant d’avec son parent, avec deux caractéristiques majeures : la gratuité et la créativité. Deux notions qui semblent aujourd’hui incompatibles avec les valeurs mercantiles de notre société.
À L’Ecole des parents, il nous a semblé opportun de revenir sur cette question du jeu, un peu délaissée du champ scientifique. Parce que les jeux actuels, de plus en plus formalisés, laissent de moins en moins place à la gratuité et à la créativité, justement. Et parce que l’arrivée massive des jeux vidéo, au-delà de l’inquiétude qu’ils suscitent chez les parents, a considérablement modifié la donne. Contribuent-ils, autant que les jeux traditionnels, à développer l’imaginaire et les compétences intellectuelles des enfants et des adolescents ? Quel rôle jouent-ils dans leur socialisation ? Notre dossier, qui interroge les meilleurs spécialistes, se révèle plutôt rassurant. Les jeux vidéo, sous réserve que leur usage reste modéré, non exclusif et peu précoce, participent à leur manière à la construction de l’enfant. Ils ont d’ailleurs fait une entrée remarquée dans les cabinets des psychologues, convaincus par leurs vertus thérapeutiques.
Il ne s’agit pas, toutefois, de délaisser les jeux traditionnels (jeux de manipulation, de société, jeux symboliques ou physiques), aussi indispensables pour maîtriser son corps, développer ses habiletés manuelles et sociales, que pour tisser des liens, avec ses parents puis avec ses pairs. N’oublions pas non plus de laisser une place à l’ennui, si précieux pour enrichir son imaginaire, échafauder ses pensées, apprivoiser la solitude et créer. La rêverie n’est-elle pas la forme ultime du jeu ?
Daniel Marcelli
Dans la revue