Psychiatre et analyste auprès d’adolescents, je choisis de commenter une des séances du Dr Philippe Dayan avec la jeune nageuse Camille. Elle est venue apporter un bouquet de fraicheur à la représentation que l’on se fait habituellement du travail avec les jeunes.
D’aucuns pourraient se questionner sur la façon dont le cadre semble voler en éclat avec l’intervention de la femme du psychanalyste apportant son aide maternelle à la jeune fille arrivée trempée par la pluie ; ou bien encore lorsque le praticien accepte au pied levé une mise en scène voulue par sa jeune patiente.
N’oublions pas que le contexte est celui de l’après-coup des attentats de novembre 2015. Cette situation donne une intensité colorée par le traumatisme collectif, mais incite aussi à réinventer la pratique de la psychanalyse.
La séquence où Camille propose à son psychanalyste expert de s’allonger sur le divan, cependant qu’elle prend place sur le fauteuil dédié à cet exercice, est pleine de charme mais aussi d’enseignements. Dans un temps où le Réel frappe tout un chacun, dissimulant le drame singulier venu s’y nicher, le transfert avec les adolescents est presque toujours une interpellation de ces derniers au praticien. Cette dernière, contraint nécessairement l’analyste de partager avec l’adolescent un « nous » qui n’est pas celui de la complicité, mais celui de l’humanité. De plus, si nous retenons la définition étymologique latine au sens de la « coupure de la parole », cette modalité de transfert entraîne un déplacement subjectif considérable chez l’analyste qui doit sinon répondre du moins en répondre. Ceci est remarquablement illustré dans cette scène d’ « En Thérapie » : Camille fait surgir à son insu une apostrophe dans son versant symbolique signifiant un « Au nom de quoi », le Dr Dayan s’intéresserait à elle? Au nom de quoi, il ne serait pas comme les autres adultes à faire comme si, voire à transgresser les lois fondamentales. Le praticien non seulement accepte, sans l’avoir prévu, le jeu proposé par sa jeune analysante, mais consent également à battre en brèche sa posture de sachant en évoquant sa position paternelle vis-à-vis de sa propre fille.
Camille arrêtera d’elle-même ce dispositif théâtral, pour reprendre le cours de son propre discours.
Enfin, dans le prolongement de cette petite séquence imaginaire proposée par Arte, et face à ce que nous traversons toutes et tous dans cette situation covidienne, une réflexion s’impose. L’idée de la mise en scène, dans le colloque singulier avec le jeune patient, ou du théâtre collectif dans l’institution soignante, pourrait être une offre transférentielle. Une petite scène de théâtre dans une spatialité limitée, celle de la séance ou du groupe, vient fleurir le désert, redonner vie à ce qui un temps s’est figé. Une mise en mouvement théâtral pour refaire récit et fiction, et relancer ainsi un imaginaire qui raconte à nouveau la vie.
Corinne Tyszler, pédopsychiatre, responsable d’un CMP et d’un CATTP pour adolescents, est aussi psychanalyste, membre de l’ALI.